Yoann Moreau publie avec Yuji Nishiyama un article intitulé « Hantologie de Fukushima » (Terrain n°69, mai 2018 – version blog).
Dans cet article, les auteurs décident de prendre au sérieux la littérature post-Fukushima et les récits d’expériences avec des êtres morts. Au travers de cette démarche, il ne s’agit pas simplement de réfléchir sur la mort comme un phénomène abstrait faisant suite à un événement tragique, mais d’assumer la posture défendue par les proches des victimes et les écrivains. Dans cette perspective, les auteurs prêtent attention aux récits de rencontres avec des morts, en particulier à ceux qui sont en tout point semblables à ce qu’on vit avec des êtres vivants. Pour l’écrivain Wakamatsu par exemple, ces morts ne sont pas de simples évocations, c’est-à-dire de simples souvenirs ou réminiscences, mais des êtres tout à fait actuels. Non réduits à des êtres de mémoire, les rencontres entre vivants vifs et vivants morts se produisent « en présence », comme si les morts étaient là, en chair et en os (et non pas comme de simples spectres impalpables et fantasmagoriques). Le concept d’hantologie développé par le philosophe Jacques Derrida permet aux auteurs de proposer un cadre théorique apte à saisir ces expressions liminales de l’existence humaine.
Illustration : centrale de Fukushima Daichi, © Tokyo Electric Power Co., TEPCO, 2007.