La société savante Stella Incognita publie en juillet 2023 l’ouvrage collectif « Pouvoirs, responsabilités et cas de conscience en science-fiction ». Champ d’exploration de tous les possibles, la science-fiction n’a pas son pareil pour poser des questions de type « Et si…? », n’ayant de cesse de parcourir les chemins infinis des « peut-être ». Depuis ses origines, elle s’est emparé du thème du pouvoir. Un thème qui, inévitablement, pose la question des responsabilités, car tout acte, s’il présuppose d’abord des choix, entraîne ensuite des conséquences. Au vu de l’extraordinaire richesse des questions philosophiques, éthiques et sociales posées par la science-fiction, cet ouvrage collectif ne prétend à aucune exhaustivité. Mais, par la diversité des approches, des thèmes, des supports et des pays concernés, il témoigne de cette richesse et de l’important travail culturel que la SF effectue pour nos sociétés en perpétuel devenir.
L’ouvrage comporte un chapitre rédigé par Aurélien Portelli, enseignant-chercheur à Mines Paris et responsable du MS ERC, intitulé « Face à la chute de la civilisation : survie et morale dans la série L’Effondrement ». Des écrivains, des auteurs de bandes dessinées, des scénaristes et des réalisateurs se sont emparés de l’effondrisme pour inventer des récits d’anticipation relatant la chute de la civilisation thermo-industrielle et ses conséquences. Les Parasites, un collectif d’auteurs, ont ainsi réalisé une série intitulée « L’effondrement », constituée de huit épisodes, diffusés sur Canal+ entre novembre et décembre 2019. Le titre des épisodes se réfère à une localité spécifique et au nombre de jours écoulés depuis l’événement initiateur qui conduit à l’effondrement de la civilisation. Entièrement démunis pour faire face à une telle situation, les personnages sont amenés à opérer des choix et à se comporter de manière à préserver leur structure biologique et leur intégrité psychique. Leurs décisions et leur manière d’agir sont d’autant plus cruciales qu’elles peuvent engendrer des conséquences irréparables pour soi-même comme pour autrui, dans un contexte ou la conception du bien et du mal tend inéluctablement à se brouiller. En cela, la série invite à questionner le rapport entre la survie et la morale en situation d’effondrement. Aurélien Portelli propose ainsi de relier l’expérience de survie en situation d’effondrement au cadre de la situation extrême, avant d’examiner le comportement des personnages sur le plan moral et d’évaluer le potentiel d’enseignement de la série.
Légende de l’illustration : Les Parasites, L’effondrement, épisode 2 : la station-service, 2019.