Prendre soin dans la catastrophe

Le 7 septembre 2017, à l’université de Lausanne, Yoann Moreau a participé au Colloque ETHOS intitulé « Vers une éthique du soin à la croisée de la santé et de l’environnement », dir. L. Benaroyo, D. Bourg, N. Eggert, G. Hess, A. Kaufmann, A. Papaux, C. Voelin. Il y a présenté une conférence intitulée « Prendre soin dans la catastrophe ».

Résumé : les origines grecques du mot « catastrophe »  renvoient à une quadruple déprise : 1- kata– traduit l’idée  de chute vers le bas, d’effondrement et d’affaissement. 2- Le verbe strophein,  « en tournant, en vrillant », renvoie à une perte de repère, à un déboussolement et une désorientation. 3- Le mot katastrophein signifiait, au sens vulgaire, l’idée d’une fin, d’une conclusion, d’un terme, d’un achèvement, sans que le dénouement soit jugé, connoté négativement ou positivement : le processus ou l’événement était simplement fini. 4- Dans un sens théâtral, la katastrophein nommait le dernier acte d’une tragédie. Ce dernier acte se caractérisait par une visée dramaturgique consistant à porter l’illusion théâtrale (la capture de l’attention des spectateurs intensifiée jusqu’à tant qu’ils en oublient ce qui les entoure) à son acmé, et de la libérer soudain. L’expérience de ce moment de bascule, entre capture du spectacle et retour à « la réalité », c’est la catharsis. La catharsis passe par une démonstration de la puissance de capture des illusions et, conséquemment, introduit la nécessité d’une distanciation à l’égard des facteurs de fascinations (émotions, subjectivations, abandon à une posture de spectateur). Paradoxalement, cette quadruple déprise – à la fois matérielle (effondrement), cognitive (perte de repères), temporelle (fin et achèvement) et ontologique (capture par une illusion) – ne se traduit pas nécessairement de manière catastrophique. Certaines personnes jubilent de perdre pied et prise avec la réalité. C’est de ce paradoxe dont nous souhaitons parler.