Le 19 décembre, Aissame Afrouss a brillamment soutenu sa thèse de doctorat, dirigée par Franck Guarnieri et Aurélien Portelli. Le sujet portait sur « la mise en récit de l’accident de Fukushima Dai Ichi par le directeur de la centrale : le coping en situation extrême ». Les membres du jury ont souligné la qualité du manuscrit et de la présentation, qui a su valoriser le récit de vie de Masao Yoshida, dont deux volumes ont déjà été publiés par le CRC aux Presses des Mines. Bravo docteur Afrouss !
Résumé de la thèse : Le 11 mars 2011, la centrale de Fukushima Dai Ichi est privée de ressources électriques à cause d’un séisme suivi d’un tsunami d’une très grande ampleur. L’accident qui en résulte est considéré comme un accident nucléaire majeur. Des rapports d’enquête et des travaux académiques ont tenté d’expliquer l’accident et de tirer des leçons pour améliorer la sécurité des installations nucléaires. Les publications proposent des mesures préventives et mobilisent des approches classiques de la sécurité nucléaire. Toutefois, l’aspect humain de la gestion de la crise en temps réel trouve peu de place. La notion de situation extrême désigne les conditions imprévues, inimaginables et potentiellement destructrices dans lesquels les travailleurs ont dû agir. Une telle situation implique un bouleversement des valeurs et des représentations et le déploiement de stratégies pour dépasser la menace envers l’intégrité des individus. Les efforts consentis pour atténuer une menace envers son bien-être et s’adapter à des situations éprouvantes sont désignés dans la littérature par le terme coping. Cette recherche sur le coping à Fukushima Dai Ichi s’appuie sur les auditions de Masao Yoshida, le directeur de la centrale, par le Comité d’enquête du Gouvernement japonais. La retranscription de ces auditions est considérée comme un récit de vie, dans lequel le directeur raconte son vécu parmi un collectif en situation extrême. Il décrit l’évolution de son coping en situation extrême. Outre les éléments techniques et opérationnels, Yoshida insiste sur les dimensions relationnelles et humaines de la gestion de l’accident. La construction d’un récit lui donne l’opportunité de réhabiliter son collectif en se représentant comme membre et porte-parole d’un groupe isolé ayant sauvé le Japon. La fonction narrative lui permet donc une reconstruction de son identité en luttant contre la dévalorisation de son collectif. Cette thèse démontre ainsi l’utilité des récits de vie pour l’analyse des accidents. Ce type de récits nous permet d’accéder aux événements tels que le narrateur se les représente. Ils nous éclairent sur les représentations, les émotions et les valeurs qui permettent aux organisations de redéfinir leur action dans des situations extrêmes. Or, ces dimensions essentielles à la compréhension des accidents ne peuvent être comprises sans le recours à des récits de vie.
Pour commander le volume I et le volume II du récit de Masao Yoshida sur l’accident de Fukushima Dai Ichi.