Du 4 au 7 juillet 2017, le doctorant du CRC Mathieu Gaulène s’est rendu à Tokyo pour une série d’entretiens sur les rapports d’enquête et de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, en se concentrant sur les conclusions ayant fait de la culture japonaise la cause ultime de l’accident. Cela a été l’occasion de rencontrer le professeur Kiyoshi Kurokawa, ex-président de la Commission d’enquête indépendante de la Diète (NAIIC) dont le rapport publié en juillet 2012 avait suscité de nombreuses critiques au Japon et à l’étranger, notamment pour avoir conclu à un accident « Made in Japan ». Celui-ci a plaidé un « malentendu » sur une expression qui visait surtout à attirer le regard de la presse internationale sur des problématiques spécifiques au Japon. Kiyoshi Kurokawa, aujourd’hui professeur émérite au National Graduate Institute for Policy Studies (GRIPS), a également expliqué avoir été l’artisan de la création de cette commission, la première dans l’histoire du Japon, mais a aussi exprimé une certaine crainte face à de possibles représailles selon lui.
Le chercheur Kohta Juraku de l’université Tokyo Denki, que Mathieu Gaulène a aussi rencontré, est fortement critique de cette approche qu’il qualifie d’« auto-orientaliste ». Elle a eu selon lui pour effet de clore le débat au Japon en donnant une cause paradoxalement « rassurante » pour les Japonais, car elle renvoie à une mode d’explication habituel dans l’archipel. Le sociologue des sciences Miwao Matsumoto de l’université de Tokyo, également critique du rapport Kurokawa, n’en a pas moins développé un concept en apparence proche, la « structure du désastre » comme cause profonde de l’accident de Fukushima. Il s’est cependant défendu de vouloir faire de cette structure du désastre une spécificité nippone, et nous a indiqué que dans un ouvrage à paraître, La théorie de la structure du désastre, il appliquerait son concept à des cas étrangers, français notamment.